Rentrée électrique rue de Valois. Le 28 octobre, devant les sénateurs, Rachida Dati a tenté de défendre un budget amputé de plus de deux cents millions d’euros. Moins pour le patrimoine, moins pour la création, moins pour l’audiovisuel public ; même le Pass Culture n’a pas échappé au rabot. La ministre parle de « recentrage », de « justice sociale », de « choix assumé ». Les parlementaires, eux, n’entendent qu’un mot : économies. Sous couvert de volontarisme, la culture devient peu à peu un terrain d’austérité.
Dans ce climat de crispation, Dominique Blanc a écrit à Emmanuel Macron pour lui rendre la Légion d’honneur reçue en 2014. La 538ᵉ sociétaire de la Comédie-Française, dans un long entretien à L’Humanité, accuse Rachida Dati de n’user « que d’un seul pouvoir, celui de la coupe budgétaire ». Elle dénonce aussi un manque d’intégrité à la tête d’un ministère qui, plus que jamais, semble en perte de repères. Geste fort, presque désespéré, qui traduit la lassitude d’un milieu en quête d’éthique et de sens.
Le malaise dépasse nos frontières. En Serbie, Le Procès Pelicot, la pièce de Milo Rau inspirée du procès des viols de Mazan, a été déprogrammée du festival international de théâtre de Belgrade (BITEF). Le metteur en scène suisse y voit un acte de censure politique, symbole inquiétant de la fragilisation croissante de la liberté artistique en Europe.
Outre-Manche, Katie Mitchell, figure du théâtre et de l’opéra, tire sa révérence lyrique au Royal Opera House de Londres avec L’Affaire Makropoulos de Leoš Janáček. Dans un entretien au Times, elle évoque sa fatigue d’un milieu où « la misogynie systémique gangrène le genre depuis des décennies ».
Triste nouvelle, Tchéky Karyo s’en est allé, à 72 ans. Acteur incandescent, homme de théâtre habité, il laisse l’image d’un artiste total, profondément attaché à son art. « L’art dramatique m’a aidé à devenir un homme meilleur », disait-il.
Heureusement, quelques éclaircies viennent éclairer ces temps sombres. Artcena a annoncé que Anouk Maugein et Lorraine de Sagazan représenteront la France à la Quadriennale de scénographie de Prague 2027. Deux artistes libres, dont le travail sur l’absence, le silence et la mémoire résonne profondément avec les thématiques de cette 16ᵉ édition.
Le temps n’est plus aux longs discours, mais bien au réveil des consciences. La culture en apnée doit retrouver un souffle pour affirmer encore et toujours qu’elle n’est pas une variable d’ajustement, mais bien essentielle.